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mercredi 8 juin 2016

Le monstre du château : deux illustrateurs pour une histoire

Aujourd'hui paraît la première aventure de Galaad en Milan Poche Cadet !
Les lecteurs de Moi Je Lis connaissent déjà notre jeune héros, page à la cour du roi Uther Pendragon. Mais pour les autres, c'est une découverte. Entre la version magazine et la version livre, un grand changement s'est produit : l'illustratrice Valérie Verney a été remplacée par Glen Chapron. Ce sont des décisions d'éditeur, je n'ai pas mon mot à dire là-dessus. Ces deux dessinateurs sont aussi doués l'un que l'autre. Ce qui m'intéresse aujourd'hui, c'est la façon dont un même texte donne lieu à deux interprétations complètement différentes en terme d'image.

1 . La scène d'introduction

" -Tiens ta sixte, mon garçon! Ta garde est molle, je pourrais la traverser les yeux fermés.
Je m'empresse d'obéir aux ordres aboyés par Bran, le maître d'arme. ça fait deux bonnes heures qu'on s'entraîne dans le froid. Malgré la fatigue, je me concentre sur les attaques du maître et m'efforce de parer comme il nous a appris."
Illustration de Valérie Verney

Illustration de Glen Chapron

Les deux illustrations reprennent les données essentielles du texte. A savoir, Galaad, le maître d'arme et les autres pages. On devine même le château en arrière plan. Seulement, là où Glen met des épées entre les mains de Galaad et Bran (logique, on parle de garde et de sixte, une position d'escrime), Valérie dessine un bouclier (?).

2 . La première apparition du monstre du château

Alors qu'il va chercher de l'huile pour graisser les armes, Galaad est attaqué par une gigantesque ombre.
" Un bruit de verre brisé retentit dans mon dos. Je me retourne un peu trop vivement, je glisse et m'étale de tout mon long dans l'horrible substance graisseuse. Pas le temps de me redresser, une ombre surgit au-dessus de moi tout en rocs et en griffes. Elle pose deux pattes velues sur mon torse pour m'immobiliser et ouvre un peu plus ses gigantesques mâchoires.
Je pousse un cri d'effroi. "
Illustration de Valérie Verney

Illustration de Glen Chapron
Les deux illustrateurs ont fait un choix différent. Valérie préfère garder le mystère sur le monstre en ne montrant que son ombre tandis que Glen nous dévoile déjà les pattes du Chapalu.

3 . Merlin

Le monstre est repoussé par un petit soleil miniature généré par un jeune homme qui n'est autre que... Merlin.
" -Ouhou! Tout va bien? demande une voix bienveillante.
- Très bien, si on omet le fait que je suis couvert de saindoux et de bave de monstre.
L'inconnu s'esclaffe. Je me redresse, intrigué. Le petit soleil volette à présent autour d'un jeune homme simplement vêtu d'une tenue de forestier. Ses yeux dorés me scrutent avec malice. "
Illustration de Valérie Verney

Illustration de Glen Chapron
Deux illustrateurs, deux Merlin totalement différents l'un de l'autre. Mais les deux portent la même gentillesse sur le visage.

4 . Les chevaux s'enfuient

Le Chapalu continue ses bêtises tandis que Merlin et Galaad font connaissance.
" [Le monstre] est passé par les écuries. Il a tant effrayé les chevaux qu'ils ont brisé leurs attaches. Des étalons nerveux errent à présent un peu partout, poursuivis par de jeunes galopins."
Illustration de Valérie Verney

Illustration de Glen Chapron
 J'aime beaucoup le dessin énergique de Valérie avec les têtes des chevaux dépassant des fenêtres ou courant au premier plan. Mais j'aime aussi beaucoup l'image de Glen, plus centrée sur le travail des petits galopins et le bazar créé par les chevaux aux écuries.

5 . La Colère des villageois

Évidemment, les villageois commencent à s'inquiéter. Qui est ce monstre et jusqu'où cela va-t-il aller?
" La foule frémit et gronde, des poings se serrent.
- C'est ce que je redoutais, me glisse Merlin. Quand la peur et la colère engendrent le trouble dans le coeur des hommes, le chaos n'est jamais loin. Et c'est une menace pour la stabilité du royaume. Que fait Uther?
Comme en réponse, une trompette sonne, appelant tout le monde au silence. Le roi Uther descend les marches pour se mêler à la foule. Il apporte une parole de réconfort à chacun. "
Illustration Valérie Verney

Illustration Valérie Verney

Illustration Glen Chapron
 Valérie utilise deux images pour exprimer cette tension générée par la peur. D'abord les villageois en colère puis l'apparition du roi qui ramène le calme. L'illustration de Glen, sur une double page, est moins explicite mais on y lit facilement la proximité qu'il peut y avoir entre le roi et ses sujets.

6 . Le Fantôme de Dame Gabrielle


Galaad voit les fantômes. Cela va lui être utile pour l'enquête qu'il mène.
" Un fantôme de femme vient à ma rencontre dans le couloir. C'est Dame Gabrielle, d'habitude souriante et affable, elle affiche aujourd'hui, un air si contrarié qu'elle me croise sans me voir. "
Illustration de Valérie Verney (désolée pour la mauvaise qualité de l'image, c'est une photo)

Illustration de Glen Chapron
Double page pour Dame Gabrielle. Le fantôme de Valérie est translucide et lumineux (car on voit l'ombre de Galaad), celui de Glen est vaporeux.

7 . Le Chapalu


Enfin, le Chapalu apparaît, attiré par l'odeur de Galaad couvert d'une potion inventée par Merlin.
" Il n'a pas fallu longtemps pour que le Chapalu détecte mon odeur et surgisse. Il est à présent gigantesque. Perché sur le toit de la chapelle, il me considère avec intérêt. "
Illustration de Valérie Verney

Illustration de Glen Chapron
J'adore ces deux images. Le Chapalu est à la fois mignon et redoutable par sa taille.

8 . La Dame du Lac


Après avoir servi de souris pour attirer le Chapalu jusqu'au lac, Galaad, blessé et essoufflé, fait la connaissance de Viviane.
"Le félin quitte mon dos en grondant. Je me redresse dans une grimace, mon bras douloureux serré contre moi. Je dois vraiment avoir piètre allure avec mon épaule de travers, mon vêtement taché de potion et mon visage griffé. La Dame du Lac tend la main et pose ses longs doigts sur mon articulation. Une douce chaleur se répand dans mon bras tandis que la douleur disparaît complètement. "

Illustration de Valérie Verney


Illustration de Glen Chapron
Deux illustrateurs, deux belles Viviane, deux Dames du Lac.


Si vous avez envie de lire cette histoire dans son intégralité, avec les illustrations de Glen Chapron, vous pouvez trouver Le Monstre du Château (en Milan Poche Cadet) dès aujourd'hui dans toutes les librairies francophones. Pour la version illustrée par Valérie Verney, c'est trop tard, il fallait acheter le Moi Je Lis de décembre 2012 (il est collector maintenant, celui-là!).
Vous pouvez aussi retrouver en juillet, la troisième aventure de Galaad, le Poney venu de la mer, dans Moi Je Lis, toujours avec les illustrations de Glen Chapron.
A bientôt !

mardi 31 mai 2016

Il faut que je vous explique...

Mon prochain roman ne sera pas édité par l’École des Loisirs. C'est triste et difficile à encaisser. Je me sens comme une ado qu'on viendrait de mettre à la porte de chez elle.

  Mais il faut que je vous explique...

Juste avant noël 2015, j'apprenais une nouvelle troublante : Geneviève Brisac, directrice littéraire des collections Mouche, Neuf et Médium, était dans une situation délicate puisqu'elle venait de se voir reprocher ses choix éditoriaux. Dorénavant, elle devrait demander l'aval du directeur éditorial, Arthur Hubschmit avant toute nouvelle publication. Difficile à supporter pour cette femme de lettre (prix Fémina 1996) et de grand savoir qui travaillait depuis 27 ans dans cette maison pour laquelle elle avait créé la collection romans. Trop difficile même puisque Geneviève est partie, laissant ses avocats traiter avec ceux de Monsieur Hubschmit.
Nous étions en décembre et j'étais très loin de la France (en Australie), choquée par cette information qui me semblait alors complètement irréelle : comment EDL (aka l’École des Loisirs) pouvait-elle se priver d'une femme telle que Geneviève ? Que devenait Chloé, la talentueuse assistante de Geneviève ? Et qu'allait-il advenir de mon prochain roman terminé, retravaillé et fignolé jusqu'à la dernière phrase ?

Sensible à la douleur qui devait être celle de Geneviève et Chloé, je leur écrivais un mail de soutien, rappelant combien j'appréciais de travailler avec elles deux et les remerciant pour le travail que nous avions déjà accompli ensemble (quatre romans tout de même !).


Les mois passèrent. Je demandais à Chloé de soumettre mon manuscrit à Arthur Hubschmit puisqu'il portait désormais la double casquette de directeur éditorial et directeur littéraire.
Arthur Hubschmit lu attentivement La fille sans nom puis nous eûmes une discussion téléphonique très sérieuse mais plutôt courte. Extraits (à lire avec l'accent suisse) : « Écoutez, je suis vraiment très embêté. J'apprécie grandement votre style, votre sensibilité, mais je n'accroche pas du tout au fantastique, c'est plus fort que moi, je n'y arrive pas.(...) Vous comprenez, ce que je veux éditer maintenant, c'est du livre-documentaire, du réel parce que c'est ce dont les adolescents ont besoin aujourd'hui. »
Je raccrochais avec beaucoup de tristesse comprenant que je n'avais désormais plus d'éditeur. Je ne verrai pas ma Fille sans nom sous la couverture sobre de la collection Médium. Il n'y aura pas de cinquième roman chez l’École des Loisirs.

Grâce à Alice de Poncheville, je compris que je n'étais pas du tout la seule dans ce cas là. Nous étions même tellement nombreux que Alice a créé un blog où chacun est venu témoigner. Vous pouvez lire les multiples articles ici : https://laficelleblog.wordpress.com/ Ils sont assez édifiants car tous n'ont pas reçu le même accueil de la part de Arthur Hubschmit. Certains ont été malmenés, critiqués et regardés de haut.
Les seules personnes qui nous rapprochent tous, nous les auteurs refusés de EDL, ce sont Geneviève Brisac et Chloé Mary. Nombreux sont ceux qui ont été découverts par ces deux femmes. Elles ont plus d'un livre à s'écrire, plus d'une histoire à venir au monde car ce sont des sages-femmes comme on en croise que quelques-unes dans une vie.
J'ai témoigné moi aussi sur le blog d'Alice, expliquant comment le roman que j'avais passé tant de mois à retravailler sous la houlette de Geneviève et Chloé avait été écarté par le nouveau boss pour la simple raison que lui n'aime pas le fantastique.

Après une période de flottement où je cherchais quoi répondre à la question et après ? je décidai de ne pas me laisser abattre et de chercher d'autres éditeurs. J'ai tenté ma chance chez Gallimard. Après un premier retour très positif (qui me demandait de bien vouloir patienter un mois jusqu'à la prochaine réunion du comité de lecture et de leur signaler si j'avais déjà eu des propositions d'autres éditeurs), j'ai finalement reçu un bien triste refus automatique (un mail posté par une machine à une heure du matin qui avance l'argument fallacieux de la ligne éditoriale).
Je suis à présent en train de prospecter auprès d'autre éditeurs. C'est une impression étrange de revenir aux anciennes méthodes : sélectionner les comités de lecture et leurs adresses, imprimer le manuscrit, établir sa bibliographie, rédiger un synopsis, faire des centaines de photocopies, relier le manuscrit, acheter des enveloppes à soufflet (pour y caser 270 pages)...

Pendant ce temps-là, mes autres projets d'écriture stagnent. Je n'arrive pas à travailler. Tant que la Fille sans nom n'a pas trouvé de maison, je ne suis pas sûre de pouvoir continuer à écrire.

Heureusement que ma BD, l’École de PAN se porte bien. Elle continue à paraître tous les mois dans Moi Je Lis tandis que le troisième tome du recueil se prépare chez BDKids.
D'autre part, en juillet dans Moi Je Lis, vous pourrez lire un épisode inédit de Galaad : Le Poulain venu de la mer avec des illustrations absolument superbes de Glen Chapron.
Les magnifiques illustrations sont de Glen Chapron
Et en août, ce sera le tour de l’École de Pan de venir jouer les invités pour un grand récit qui s'appellera Les Super-rétrécis.

Voilà, vous savez tout.

Les cases en noir et blanc sont toutes tirées du manga Yotsuba& de Kiyohiko Atzuma, disponible aux éditions Kurakawa.